La fin d'une illusion amoureuse


Chez Rodolphe, Emma trouve l’occasion d’échapper à la monotonie de sa vie conjugale et d’explorer cette passion amoureuse qu’elle rêve depuis toujours sans l’avoir réellement jamais connue. Ansi, Emma se fie à Rodolphe, elle ressent des sentiment profonds et désire fuir avec lui, afin d’être vraiment heureuse. Son mari Charles ne sera jamais le héros qu’elle tant aimait dans les  romans de son adolescence.

De son côté, Rodolphe n’est pas du même avis:

– Quel imbécile je suis ! fit-il en jurant épouvantablement. N’importe, c’était une jolie maîtresse ! 
Et, aussitôt, la beauté d’Emma, avec tous les plaisirs de cet amour, lui réapparurent. D’abord il s’attendrit, puis il se révolta contre elle. 
– Car enfin, exclamait-il en gesticulant, je ne peux pas m’expatrier, avoir la charge d’une enfant. 
Il se disait ces choses pour s’affermir davantage. 
– Et, d’ailleurs, les embarras, la dépense. Ah ! non, non, mille fois non ! cela eût été trop bête ! 

Rodolphe n’est pas amoureux d’Emma. Son « amour » se limite au rapport physique et à la beauté: Emma n’est rien de plus qu’ une « maîtresse » pour lui. S'enfuir avec elle signifierait dépenser son argent et avoir des responsabilités et Rodolphe n’est certainement pas ce que l’on peut appeler  un homme fiable et sérieux. Ils ont deux conceptions d’amour très différentes. 
De plus, on peut remarquer qu’en parlant d’Emma, il utilise déjà le passé. Leur liaison est terminée. Donc Rodolphe décide démolir les châteaux en Espagne de la cette femme :

Il écrivit : « Du courage, Emma ! du courage ! Je ne veux pas faire le malheur de votre existence... » – Après tout, c’est vrai, pensa Rodolphe ; j’agis dans son intérêt ; je suis honnête. [ … ]  Rodolphe s’arrêta pour trouver ici quelque bonne excuse. – Si je lui disais que toute ma fortune est perdue ?... 

Rodolphe lui écrit une lettre pour la quitter ; sa vraie nature, hypocrite et mensongère, émerge:

L’idée seule des chagrins qui vous arrivent me torture, Emma ! Oubliez-moi ! 
[ … ] Ô mon Dieu ! non, non, n’en accusez que la fatalité ! » – Voilà un mot qui fait toujours de l’effet, se dit-il.[ ... ]
« Le monde est cruel, Emma. Partout où nous eussions été, il nous aurait poursuivis.»

Quand Emma lit la lettre, elle en est choquée. Elle ne peut pas croire à ses yeux. Encore moin, quelques jours après, quand,par hasard, elle entrevoit Rodolphe. Tous ses rêves, ses sentiments, ses espoirs sont détruits: c’est un coup trop fort pour elle et sa santé physique et mentale cède:

Emma poussa un cri et tomba roide par terre, à la renverse. En effet, Rodolphe, après bien des réflexions, s’était décidé à partir pour Rouen. [ … ] il lui avait fallu traverser le village, et Emma l’avait reconnu. [...]
Elle s’évanouit encore. [ … ] Elle restait étendue, la bouche ouverte, les paupières fermées, les mains à plat, immobile, et blanche comme une statue de cire. Il sortait de ses yeux deux ruisseaux de larmes qui coulaient lentement sur l’oreiller. [ … ]
On crut qu’elle avait le délire ; elle l’eut à partir de minuit : une fièvre cérébrale s’était déclarée.

Jennifer Jones, Madame Bovary (1949)

Celui qui se fait vraiment du souci pour Emma, c’est son mari Charles qui, comme tous les hommes qui tiennent pour acquis la félicité et la joie de leur femme,  ignore - dans sa « cécité » -, la vraie raison du mal-être de sa femme adorée.


GIULIA FIASCHETTI

Commentaires