Réalité et illusion
(par Francesca Romana Tiberi)
La vie d’Emma est réellement devenue insupportable, car elle n’a pas ce qu'elle veut de la vie.
De plus en plus désireuse d’une vie d’aventures, elle cherche l’amour dans les bras d’autres hommes, parmi lesquels Rodolphe Boulanger, un riche propriétaire foncier de trente-quatre ans.
Elle tombe amoureuse de lui. Rodolphe incarne l'homme idéal de ses rêves. Aux yeux d’Emma, c’est l’homme parfait, mais malheureusement, elle ne veut rien dire pour lui : il n’est pas du tout amoureux d’Emma, celle-ci n'est qu'une conquête semblable aux autres et il met fin à leur histoire d’amour par une simple lettre à la veille d’une fuite romantique invoquée par Emma. Malgré le fait que leur histoire soit terminée, Emma pense encore à Rodolphe d’une manière idyllique : Emma fut prise d'un vague effroi, devant cette timidité, plus dangereuse pour elle que la hardiesse de Rodolphe quand il s'avançait les bras ouverts. Jamais aucun homme ne lui avait paru si beau. Elle a un sentiment de terreur, mais en mêmes temps de plaisir. La poétique du sublime se concrétise.
Tout à coup elle se frappa le front, poussa un cri, car le souvenir de Rodolphe, comme un grand éclair dans une nuit sombre, lui avait passé dans l’âme. Il était si bon, si délicat, si généreux ! Le souvenir de Rodolphe lui procure un bouleversement dans l’âme , en lui rappelant leur liaison. Pour elle cette dernière était vrai, réelle. Désormais elle n'en garde qu'un souvenir.
Après une période de profonde souffrance, Emma entame une liaison avec Léon. En même temps, Emma dépense beaucoup d’argent. Ses dettes s’accumulent et voilà qu’elle se retrouve forcée de demander de l’argent à Rodolphe. Elle cherche un rapprochement: Ô Rodolphe ! si tu savais... je t’ai bien aimé ! Ce fut alors qu’elle prit sa main, et ils restèrent quelque temps les doigts entrelacés, – comme le premier jour, aux Comices ! Par un reste d’orgueil, il se débattait sous l’attendrissement. Mais il se refuse:– Ah ! pensa Rodolphe, qui devint très pâle tout à coup, c’est pour cela qu’elle est venue ! Enfin il dit d’un air calme : – Je ne les ai pas, chère madame. Il ne mentait point. Il les eût eus qu’il les aurait donnés, sans doute, bien qu’il soit généralement désagréable de faire de si belles actions : une demande pécuniaire, de toutes les bourrasques qui tombent sur l’amour, étant la plus froide et la plus déracinante.
En proie au désespoir le plus total,Emma a recours au suicide comme seule échappatoire, se suicidant avec une portion d’arsenic. Ce n'est pas un cas si Flaubert a choisi ce destin pour Emma, laquelle croit qu’elle va mourir tout de suite, mais son agonie va être longue et terrible. Flaubert veut donc condamner tous ceux qui vivent leur vie d'une manière romancée, exactement comme Emma.
Face à un épisode si tragique, Rodolphe se montre impassible, presque apathique. Il n’a aucun respect pour Charles, le seulhomme qui reste fidèle à Emma et qui l'aime vraiment. Un jour qu’il était allé au marché d’Argueil pour y vendre son cheval, – dernière ressource, – il rencontra Rodolphe. Ils pâlirent en s’apercevant. Rodolphe, qui avait seulement envoyé sa carte, balbutia d’abord quelques excuses, puis s’enhardit et même poussa l’aplomb (il faisait très chaud, on était au mois d’août) jusqu’à l’inviter à prendre une bouteille de bière au cabaret.
Pour éviter le sujet, Rodolphe commence à parler de tout ce qui lui est possible mais, bien sûr, Charles ne l’écoute pas :
L’autre (Rodolphe) continuait à parler culture, bestiaux, engrais, bouchant avec des phrases banales tous les interstices où pouvait se glisser une allusion. Charles ne l’écoutait pas ; Rodolphe s’en apercevait, et il suivait sur la mobilité de sa figure le passage des souvenirs.
Rodolphe s’attend à recevoir un reproche par Charles, mais il n’en est rien : Charles, la tête dans ses deux mains, reprit d’une voix éteinte et avec l’accent résigné des douleurs infinies : – Non, je ne vous en veux plus ! (...) Rodolphe, qui avait conduit cette fatalité, le trouva bien débonnaire pour un homme dans sa situation, comique même, et un peu vil.
Jusqu’au dernier moment Rodolphe fait preuve de sa véritable nature, celle d'être un égoïste, qu’Emma n’a jamais compris. Pour lui, elle n’était qu’une simple maîtresse, une parmi les autres : Il aperçut madame Bovary, elle était jeune, charmante ; il résolut d’en faire sa maîtresse.
Il faut ajouter les libellés
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