RÊVE OU RÉALITÉ ?
Rêve ou réalité? Affronter les maux de la cruelle réalité
ou s’abandonner au flux des plus satisfaisants plaisirs?
Depuis l’antiquité, plusieurs artistes ont mis en valeur
ce dilemme qui harcèle l’existence humaine si bien que son destin.
Tel est le cas du roman de Gustave Flaubert, Madame Bovary, un véritable exemple
littéraire qui met l’accent, à juste titre, sur le conflit entre la force de
faire face à la réalité la plus décevante et la faculté de s’appuyer sur
l’imagination comme moyen pour échapper de l’insuffisance de la vie
quotidienne.
Conformément à la condition de soumission de la femme
bourgeoise de l’époque et à l’obéissance aux
conventions sociales, Emma, personnage-titre du roman, est une victime
de l’ennui (‘’
Elle s’en ennuya, n’en voulut point convenir, continua par habitude, ensuite
par vanité, et fut enfin surprise de se sentir apaisée, et sans plus de tristesse
au cœur que de rides sur son front’’).
L’insatisfaction de la vie d’Emma, due à ses ambitions
sociales et amoureuses, l’amène davantage vers la littérature romancée qui
devient l’échappatoire de la médiocrité commune, lui permettant par la suite de
se réfugier dans une vie rêvée, bien meilleure que sa vie réelle. (‘’Et Emma cherchait
à savoir ce que l’on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité,
de passion et d’ivresse, qui lui avaient paru si beaux dans les livres.’’).
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Isabelle Huppert dans le rôle d'Emma Bovary (film de 1991) |
En effet, Emma manifeste une nature fortement romantique
(en fait, sentimentale), encline aux tempêtes de l’âme plutôt qu’à une harmonie monotone et ce, en raison
des lectures lues au couvent sur lesquelles elle a modelé sa sensibilité (« Emma fut
intérieurement satisfaite de se sentir arrivée du premier coup à ce rare idéal
des existences pâles, où ne parviennent jamais les cœurs médiocres. Elle se
laissa donc glisser dans les méandres lamartiniens, écouta les harpes sur les
lacs, tous les chants de cygnes mourants, toutes les chutes de feuilles, les
vierges pures qui montent au ciel, et la voix de l’Éternel discourant dans les
vallons’’). À ce propos, cette
citation justifie la présence d’un thème romantique très célèbre, c’est-à dire
le sublime.
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Mia Wasikowska dans le rôle d'Emma Bovary (film de 2014) |
Face à son penchant pour les rêves, Emma s’est persuadée que l’élégance
extérieure ainsi que le luxe, sont les marques d’un raffinement intérieur. Elle
semble les confondre et par conséquent elle les fait coïncider.
(‘’les yeux d’Emma
revenaient d’eux-mêmes sur ce vieil homme à lèvres pendantes, comme sur quelque
chose d’extraordinaire et d’auguste. Il avait vécu à la Cour et couché dans le
lit des reines’’).
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Mia Wasikowska dans le rôle d'Emma Bovary (film de 2014) |
À cause de cet
idéal, elle n’atteint pas le bonheur dans sa vie quotidienne. (« Emma se
répétait : « Pourquoi, mon Dieu ! me suis-je mariée ? » Elle se demandait s’il
n’y aurait pas eu moyen, par d’autres combinaisons du hasard, de rencontrer un
autre homme ; et elle cherchait à imaginer quels eussent été ces événements non
survenus, cette vie différente, ce mari qu’elle ne connaissait pas. Tous, en
effet, ne ressemblaient pas à celui-là’).
Le bal de Vaubyessard est l’épreuve irréfutable d’une
possible réalisation de ses désirs. (‘’Emma se sentit,
en entrant, enveloppée par un air chaud, mélange du parfum des fleurs et du
beau linge, du fumet des viandes et de l’odeur des truffes. Les bougies des
candélabres allongeaient des flammes sur les cloches d’argent ; les cristaux à
facettes, couverts d’une buée mate, se renvoyaient des rayons pâles ; des
bouquets étaient en ligne sur toute la longueur de la table, et, dans les
assiettes à large bordure, les serviettes, arrangées en manière de bonnet
d’évêque, tenaient entre le bâillement de leurs deux plis chacune un petit pain
de forme ovale’’).
Donc les rêves et la réalité s’entrelacent dans une
apparente harmonie.
En plus, ‘’Emma, trouva qu’elle avait une jolie taille
et qu’elle ne saluait point en paysanne’’ ,de sorte qu’ ‘’elle fit sa toilette avec la conscience méticuleuse d’une actrice à
son début’’, pendant le
bal de Vaubyessard.
Cependant, le goût pour le luxe d’Emma se mêle avec le
domaine érotique de celle-ci. En outre, on met l’accent sur la sensualité du
personnage flaubertien
(‘’On
versa du vin de Champagne à la glace. Emma frissonna de toute sa peau en
sentant ce froid dans sa bouche’’).
À ce propos, on
peut aussi remarquer son désir à être adorée comme une reine, ce qui
appartient,comme idée, à l’imaginaire classique.
(« Elle
aurait voulu vivre dans quelque vieux manoir, comme ces châtelaines au long
corsage, qui, sous le trèfle des ogives, passaient leurs jours, le coude sur la
pierre et le menton dans la main, à regarder venir du fond de la campagne un
cavalier à plume blanche qui galope sur un cheval noir. Elle eut dans ce
temps-là le culte de Marie Stuart, et des vénérations enthousiastes à l’endroit
des femmes illustres ou infortunées. Jeanne d’Arc, Héloïse, Agnès Sorel, la
belle Ferronnière et Clémence Isaure, pour elle, se détachaient comme des
comètes sur l’immensité ténébreuse de l’histoire’’).
Donc , on peut mettre en relief l’intention de l’auteur
de brosser un tableau réaliste concernant la vanité des règles bourgeoises.
En guise de conclusion, cette analyse nous a permis de
montrer qu’il s’agit d’un roman qui a froid aux yeux, lucidement réaliste. Il apprend aux lecteurs de son époque que
s’abandonner totalement aux rêves n’est qu’une chimère.
Mais comme l’insatisfaction d’Emma, c’était une attitude
insatisfaite assez répandue, elle est devenue le modèle d’un comportement
psychologique qui a pris le nom de ‘’bovarysme’’, de sorte qu’ on pourrait se
demander alors jusqu’à quel point la culpabilité de ce personnage est
individuelle ou bien sociétaire.
VERONICA SPADONI
c'est très bien publié, Veronica.
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